Un titre étrange sur un blog qui parle de vacances au Maroc ? Non, car ces vacances au Maroc, quand elles se passent en dehors des grandes villes comme Agadir ou Marrakech, mettent en présence des vacanciers européens, et des marocains, qui n’ont pas du tout la même notion de ce qui est pudique ou pas.
Moi même, ayant fait longtemps l’aller-retour entre Europe et Maroc, avant d’y poser mes valises définitivement, ai peu à peu appris à jongler avec cette application de la phrase de Montaigne « vérité en deça des Pyrénées, erreur au delà » (comme d’ailleurs au cours de mes pérégrinations européennes, la pudeur allemande et la pudeur française ne se choquant pas des mêmes choses). Et peu à peu, imprégnée de plus en plus de cette culture marocaine dans laquelle je baigne au quotidien, je me surprend à penser « oh, shocking » devant des touristes que je ne remarquerais pas en France.
Or c’est un sujet qui, curieusement, attire bien des discussions. A un extrême, on a la touriste que je qualifierais de traumatisée, qui se demande à chaque instant si sa cheville n’est pas trop voyante. Extrême rarissime, mais finalement assez facile à gérer. A l’autre, on a ce que j’ai entendu un jour d’une touriste espagnole dont le short s’arrêtait au dessus de la raie des fesses et montrait un string en queue de baleine, puis un grand morceau de dos, puis une espèce de bande de tissu qui ne semblait pas retenue par grand chose et dont dépassait des bretelles de soutien gorge en plastique transparent, une touriste espagnole assez déshabillée donc, exprimer avec un fort accent, mais en français, à son guide qu’elle avait payé pour ses vacances, et qu’elle ferait donc ce qu’elle voulait.
Entre les deux extrêmes, il y a de tout, surtout beaucoup de gens qui ont sincèrement envie de ne pas choquer, mais qui ont tout autant envie de profiter du soleil, et qui n’ont pas les mêmes réflexes. Et puis vient aussi l’argument de la liberté religieuse, plus fréquent maintenant qu’on a beaucoup parlé de voile en Europe. La dernière fois que le sujet est venu sur le tapis, c’était à propos du 4L Trophy, sur un forum d’amoureux de 4L où j’avais trouvé une photo qui m’avait fait lever les sourcils, celle d’une 4L décorée avec une superbe pin-up anneés 50 (vous pouvez la trouver en plus grand sur le début du fil du forum à cette adresse : http://www.r4-4l.com/forum/viewtopic.php?id=20871&p=1 c’est la 8° photo). Vous pouvez aussi l’apercevoir sur une vidéo d’Auto Plus et découvrir sur un article du blog du sponsor que cette voiture a eu le premier prix de la plus belle décoration !
J’ai imaginé « ça » passant à travers les petits villages berbères, descendant les routes qui sont presque des pistes, vers Imilchil et Aït Hani, là où il fait froid l’hiver et gris au printemps, et où peu de touristes passent, en dehors du moussem des fiançailles, j’ai tout simplement imaginé « ça » dans la grande rue de Tazzarine, et je me suis sentie un peu mal à l’aise, en imaginant les villageois faire tout leur possible pour ne pas voir.
Ce à quoi un participant me répondit « j’ai jamais compris pourquoi les occidentaux doivent absolument se plier aux « règles » religieuses des pays musulmans alors que demander l’inverse est assimilé à du racisme et de l’intolérance … »
Cette phrase résume bien un ensemble d’arguments que j’ai souvent entendus, mais, à mon avis, elle est à côté de la plaque.
- il ne s’agit pas de règles religieuses. Les règles religieuses, ce serait porter le voile, ne pas manger en public pendant ramadan, ne pas boire d’alcool, ne pas pouvoir partager une chambre d’hôtel sans être mariés. Règles qui, à l’exception du port du voile, libre, et de l’alcool en dehors de Ramadan, ne sont imposées qu’aux marocains musulmans. Dans d’autres pays, elles sont aussi imposées aux touristes.
- il faut quand même reconnaître que la dame est légèrement vêtue. En dehors des hauts lieux branchés, je ne suis pas certaine qu’une femme se promenant dans cet accoutrement, dans la rue de Trifouillis les Oies, n’aurait pas quelques problèmes…
- la pudeur n’est pas exclusive à la religion musulmane. Surtout dans les campagnes, que ce soit au Chili, en Argentine, au Tibet ou en Roumanie, en Hongrie… la pudeur est typique de modes de vies moins modernes, et surtout des endroits où l’on vit avec une promiscuité plus grande que dans nos trois pièces pour célibataires et cellules familiales restreintes. En clair, quand les gens vivent nombreux et très proches, que ce soit sous la tente, ou dans un bâtiment de ferme, le bien vivre ensemble entraîne la pudeur
- il est exact qu’au Maroc, si quelqu’un est impudique, on lui fera des reproches au nom de la religion. Mais en réalité, c’est un fait culturel (la même image ne choquera pas un musulman habitant en Europe, ou même à Casablanca, même si il ne l’approuve pas). Les deux sont si intimement mélangés qu’il est difficile de dire lequel précède l’autre, mais en tout cas, il ne s’agit pas d’une spécificité de la religion musulmane
- en réalité, nous imposons depuis longtemps une partie de nos règles de vie, qu’elles sont religieuses ou laïques, aux musulmans, à commencer par l’interdiction de la polygamie, et personne n’y voit du racisme ou de l’intolérance.
- sans pour autant que cela soit une contrainte religieuse, à l’époque où ces pin-up fleurissaient (années 40 à la fin des années 60), il s’agissait surtout d’illustrations pour adultes. Le code de la morale américain permettait par exemple facilement de montrer au grand public des femmes en maillots de bain, mais pas en lingerie. Aujourd’hui encore, dans un autre domaine, Google refuse que ses publicités s’affichent sur des pages web où on peut voir le moindre téton, même si il s’agit d’une information sur la pose du tire-lait. Contrainte religieuse ou culturelle ?
Alors que faire ?
D’abord choisir ses vacances avec discernement. Si on veut du Sea/Swimming Pool, Sex and Sun, les petits villages de l’Atlas ou des villes comme El Hoceima ne sont peut être pas la destination idéale. Il vaut mieux se rabattre sur Agadir, Essaouira dans une moindre mesure, les grands hôtels de Marrakech ou les enclaves privées comme celles du Club Med.
Ensuite, prendre conscience de votre entourage. Les Marocains sont des gens tolérants, discrets et accueillants. Sauf cas exceptionnel, si vous dépassez les bornes, personne ne vous en fera directement reproche. Mais en voyant les regards qui vous évitent, ou qui au contraire se font trop lourds, cela devrait vous donner une indication.
Comprendre aussi que si « vous avez payé vos vacances », les villageois des villages que vous traversez n’ont rien demandé et ne recevront rien de cet argent. Et qu’ils ne sont pas forcément disposés à troquer leurs valeurs contre de l’argent.
Vous rendre compte aussi que, contrairement à d’autres pays, on ne vous demande pas un effort excessif : couvrir le haut des bras, la poitrine et le haut des cuisses. Que le soir, à l’hôtel, au bord de la piscine, vous pourrez bronzer en toute tranquillité. Et ne pas oublier que cette demande de pudeur s’applique autant aux hommes qu’aux femmes !
3 Comments
Merci pour ce rappel de savoir-vivre.
Même si l’idéologie fortement d’actualité chez certaines « élites » est qu’il y a des civilisations supérieures à d’autres (pour faire plus clair, que la civilisation « européenne » est supérieure à la civilisation musulmane), il est bon de rappeler que certaines valeurs de cette civilisation musulmane, sont partagées par beaucoup d’autres peuples, et étaient peu ou prou partagées par la civilisation « européenne » même, il n’y a de cela pas si longtemps.
Mais paraît-il que la pudeur est une valeur rétrograde, alors à quoi bon respecter les valeurs de ces gens.
Comme le dit une parole prophétique commune aux prophètes : « Si tu n’as pas de pudeur, fait ce que bon te semble ».
Je viens de découvrir ce blog et m’intéresse à vos articles qui souleve de bonnes questions. Mais j’ai tiqué en lisant
« Je ne suis pas certaine qu’une femme se promenant dans cet accoutrement, dans la rue de Trifouillis les Oies, n’aurait pas quelques problèmes… »
Bien sur cette fille en question est une image, une créature de pub, d’une beauté standardisée et erotisee,(un autre débat), mais votre phrase laisse sous entendre qu’il est normal qu’une fille ait des problemes en se baladant peu vêtue.. Un petit relent de « culture du viol » (ensemble de petite phrase pas mechantes, mais qui bout a bout diffuse une tendanfe a la culpabilisation des victimes « provocantes » justification des agresseurs qui ont des « pulsions »,… )
Autant je suis d’accord sur le fait qu’il faut être attentif aux moeurs des régions qu’on traverse et s’y adapter(même si on peut choquer sans s’en rendre compte, l’important etant le respect), car la réalité d’un pays est trop complexe pot être jugée en tant que touriste. Autant il me semble important d’être libre dans son propre pays de casser les préjugés sociaux et de s’habiller comme on le désire (tenue « sexy », masculine, poils sous les bras,… ).
Bonsoir et merci pour votre passage et vos commentaires.
Je crois qu’il ne faut pas confondre « culture du viol » et « estimation réaliste des risques ».
Je vais transformer ma phrase sur un autre sujet : « quand on se balade avec le sac à dos béant ouvert dans le métro on risque de perdre son portefeuille ». Personne n’irait imaginer qu’il s’agit d’une « culture du vol » ou d’une « excuse des pickpockets ».
De plus, et c’est très intéressant :) vous interprétez la phrase et vous la limitez aux agressions à tendance sexuelles. Se faire engueuler par une vieille femme aigrie, comme je l’ai vu récemment au fin fond d’une campagne belge, c’est aussi « avoir un petit problème ». Les femmes qui publient des photos de tétons nus sur Facebook et Twitter pour « free the nipple » risquent un problème, qui est la suppression de leur compte.
Enfin, vous avez parfaitement raison sur la liberté de choix dans son propre pays de chercher à casser les préjugés sociaux, en assumant les risques qui vont avec cette attitude, est essentielle. C’est la même chose que les manifestants qui courent le risque d’être tabassés par un CRS ou de recevoir du gaz lacrymogène. Expliciter le risque n’est pas approuver la violence policière.
Enfin je reconnais appartenir à une génération pour laquelle tout cela était plus simple, la jupe n’était pas un problème, et l’agression sexuelle beaucoup moins banalisée.
J’espère vous relire ailleurs :)
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